Savoir-faire
Comme d’autres choses qui ne s’usent que si l’on ne s’en sert pas, le savoir-faire, lui, aurait tendance à disparaître. Concept vivant, sa disparition n’a lieu que s’il n’est pas transmis et pris en charge par un autre.
C’est sa transmission déshumanisée qui provoque sa migration vers d’autres régions. Autrefois, le savoir-faire se transmettait directement de père en fils; aujourd’hui il se fait par l’intermédiaire de l’objet même qu’il produit.
Les raisons d’une éventuelle disparition sont multiples. La technologie a rendu cette expertise désuète ou son utilisation en est devenue trop chère. Le consommateur trouve un produit similaire ailleurs pour moins cher, quelle raison alors pour lui de rester fidèle? Ce n’est que du bon sens sauf que ce bon sens n’en a que dans l’immédiat bénéfice que l’on en tire. Inscrit dans la durée, c’est une balle dans le pied que l’on se tire, avec la différence que l’on ne ressent la douleur que bien plus tard !
Il n’y a de cela pas si longtemps, le Made in China n’inspirait que cette réflexion: piètre qualité mais coût sans concurrence. La chaussure de basket perdait un peu de qualité mais son rendement financier était incomparable, la priorité était claire… Le savoir-faire de la godasse migrait doucement vers l’est à mesure que le cordonnier local se chaussait de plus en plus mal et finissait pieds nus sur son paillasson…
Ainsi, le fabricant chinois – ou autre – devenu l’unique détenteur de la connaissance a commencé à dicter ses prix puis a fini par racheter la Maison mère qui, partie d’un savoir-faire d’excellence et appâtée par une excellence dans les marges de bénéfices, s’est retrouvée sur la paille.
La roue continue à tourner et, depuis quelques mois, l’on entend que les grèves se multiplient dans les pays à bas coût de production, que le niveau de vie augmente et que leur production devient plus chère. D’un autre côté, en Europe comme aux Etats-Unis, il y a une tendance à la relance de la production locale.
La balle que l’on s’est tirée dans le pied en pensant à court terme devrait nous inciter à la réflexion. L’artisan local est le garant d’un savoir-faire, mais aussi le ciment d’une région qu’il contribue à faire vivre.