Punitions collectives en Palestine
par Laurent Vinatier | En ce début de semaine, nul ne sait où sont passés, depuis jeudi dernier, trois jeunes adolescents israéliens qui faisaient du stop près d’Hébron en Cisjordanie. On imagine évidemment l’inquiétude des familles, la douleur de l’incertitude. On compatit bien sûr; d’autant qu’il est impossible dans ce cas, à la manière de donneurs de leçons, de faire valoir (trop tard de toute façon) le principe de précaution et dire par exemple: «Quelle idée aussi pour des Israéliens d’aller se promener en Cisjordanie, où vivent quand même des Palestiniens.» Il se trouve en effet que la zone où les jeunes semblent avoir disparu est entièrement sous le contrôle civil et militaire d’Israël, à proximité de colonies qui pullulent aujourd’hui sur ce qui pourrait ou devrait être un territoire palestinien. Rejeter donc la responsabilité sur les victimes elles-mêmes paraît au mieux inadéquat au pire d’une terrible mauvaise foi.
Le Premier ministre israélien, le «très compréhensif» Benjamin Netanyahu, sent passer le vent du boulet politique en interne et tend un peu à sur-réagir. Il parle d’abord d’enlèvements par un groupe terroriste, ce qui est tout à fait possible mais ce qui signifierait que ces actes soient politisés. Il voulait peut-être parler de groupe criminel, ce qui est plus probable a priori, cette confusion cependant laissant craindre de la part du chef du gouvernement israélien une tendance à assimiler mobilisation politique palestinienne et criminalité, ce qui n’est guère encourageant quand même. Il accuse ensuite les autorités palestiniennes de ne rien faire; il en appelle à leur responsabilité: «Celles-ci devraient participer aux recherches», même si, on l’a vu, en pratique, elles ne disposent d’aucun pouvoir sur le territoire considéré. Il fait enfin arrêter en une nuit près de 80 Palestiniens.
Il n’est pas certain néanmoins que le recours à la punition collective soit la meilleure idée que le Premier ministre ait eue. Dans l’Histoire, à différents endroits du monde, elle n’a pas démontré, à moyen terme, une efficacité absolue. A court terme certes, parmi la masse de gens arrêtés et punis, on doit pouvoir mettre hors d’état de nuire une partie des forces contestataires, ou trouver en l’occurrence les responsables de la disparition des jeunes (s’il s’agit bien d’enlèvements). Mais enfin, il est difficile d’en faire une pratique durable. Sans même évoquer les échos ou réminiscences du passé qui ne sont pas tout à fait positifs. Déjà la construction d’un mur par Israël pour se protéger des Palestiniens n’est pas du plus bel effet marketing; de même la colonisation permanente et continue qui grignote non-stop un territoire palestinien divisé, éclaté et ingérable, alors que les négociations de paix sont censées reprendre. Israël a certainement un problème de sécurité vis-à-vis de la Palestine, mais il ne faudrait pas sous-estimer non plus son extraordinaire capacité à le nourrir.