Paul Signac (1863-1935), un maître de la couleur
Pierre Jeanneret | Une exposition à ne pas manquer! Elle est exceptionnelle à plus d’un titre. D’abord parce que les 140 œuvres qu’on verra à l’Hermitage sont issues d’une même famille de collectionneurs (anonymes), passionnés de Signac depuis des générations. Ensuite parce qu’elle permet de saisir toute l’évolution du peintre. Enfin parce qu’elle est enchantement pour les amoureux de la couleur.
Et pourtant elle commence en noir et blanc, avec les portraits de son groupe d’amis. Tous se réclamaient du mouvement anarchiste et rêvaient d’une société plus juste et plus heureuse. Jeune artiste, Signac admire énormément Claude Monet. Il peint donc d’abord à la manière des impressionnistes. Il aime l’eau autant que la peinture: il a possédé 32 bateaux et longé les côtes de l’Europe. Qu’il s’agisse de la Manche, de la Méditerranée ou de la Seine, il est sensible aux vibrations et aux reflets de l’élément liquide. Un temps, il adhère au pointillisme de Georges Seurat: c’est la juxtaposition de petits points de couleurs pures complémentaires, une conséquence extrême de la théorie de division des tons, qui est bien expliquée dans l’exposition. Ces tableaux pointillistes, il faut les voir à la fois de tout près et de loin. Puis la touche de Signac se fait plus large et plus colorée. Surtout depuis 1892 et sa découverte de Saint-Tropez, où il va désormais s’installer une partie de l’année. La violence de ses couleurs annonce le fauvisme. Mais Signac restera fidèle à ce qu’on appelle le néo-impressionnisme. Que l’on se rassure: l’exposition n’est nullement un étalage de théories picturales. Elle est essentiellement composée de magnifiques paysages: parcs, nombreuses marines, vues de Venise ou du Mont Saint-Michel saisi dans une sorte de brume mystique… L’artiste a particulièrement bien saisi l’atmosphère de la Côte d’Azur, avec ses couleurs vives et ses pins aux troncs rougeoyants: on croit presque sentir la chaleur de l’air! Signac, profondément pacifiste, est terriblement affecté par la guerre de 1914-1918, qui est la négation de tous ses idéaux. Dans les années 1920, il s’assagit. Sur le plan artistique, il n’est plus à l’avant-garde. Il ne rejoindra ni le cubisme, ni le surréalisme, ni l’abstraction. L’artiste âgé se voue surtout à l’aquarelle. Il parcourt la France, dont il peint systématiquement les ports. Ce sont aussi de belles œuvres, plus intimes, qui ne négligent pas les éléments du monde moderne et industriel (grues, ponts métalliques, bateaux à vapeur). On y ressent aussi cet amour de l’eau qui a été l’une des grandes passions de toute sa vie.
«Signac. Une vie au fil de l’eau»,
Lausanne, Fondation de l’Hermitage,
jusqu’au 22 mai