Paris, Boulevard dépossédé
Pierre Dominique Scheder | Vendredi 13 novembre dernier.
J’assiste, au temple de Chexbres, à la magistrale «The Armed Man: messe pour la paix» de Karl Jenkins, superbement interprétée par des choristes et des musiciens de la région, pour la plupart amateurs. Aussitôt je me sens en synergie avec toute l’immense douleur du monde crucifié par ses incessantes guerres. Mais un monde où retentit aussi un chant d’espoir. Un monde béni de Dieu, où l’Homme debout peut supplier: «Sonnez la fin des mille guerres! La paix est meilleure que la guerre! L’armée s’en va, laissez-la partir. Sonnez la fin des erreurs, sonnez l’arrivée de la vérité. Sonnez l’arrivée des mille ans de paix. Sonnez la fin de la soif de l’or! Sonnez la fin des mille guerres des temps passés. Sonnez le départ de l’obscurité de la terre. Sonnez le Christ qui doit être.»
Vers les 22 heures, je rentre chez moi, toutes cloches sonnantes, l’âme débordante de louanges, ayant traversé en musique la Mer Rouge qu’est cette Terre ensanglantée. Soudain les radios crépitent comme des mitraillettes. Les effroyables nouvelles nous transpercent le cœur: «Attentats meurtriers en plein Paris!» Paris, patrie de la poésie. Paris, «Capitale de la douleur!» chantée par Jean Villard Gilles en pleine occupation nazie, «La Terrasse des Lilas » est à nouveau saccagée par la terreur imbécile.
Comme ces brutes hitlériennes, les terroristes de ce soir s’en prennent au bonheur de flâner, insouciants, sur les grands boulevards, de converser, de se rassembler, de fraterniser, de fêter. La vie simple et belle comme elle devrait et pourrait se vivre partout. Oui! «Qu’il est doux pour des frères de demeurer ensemble!»
Samedi, c’est le Poverello qui nous fait signe et nous console: nous assistons en famille, à l’église de Renens, à «L’Amour, le vrai», un spectacle musical retraçant l’histoire de Claire et François d’Assise. «Seigneur, fais de moi un instrument de ta paix! Là où il y a de la haine, que je mette l’amour. Là où il y a l’offense, que je mette le pardon.» A nouveau vibrent pour la Ville Lumière assombrie les mots de l’amour incarné. Véritable prière pour une France prophétique, poétique et franciscaine où l’impossible n’est pas français!
Dimanche, notre enfant Lydie fête ses neuf ans. Toute la maisonnée retentit de joyeux cris de gosses. Et le diable se noie dans la fontaine de leurs rires!
Lundi midi, avec l’équipe franciscaine de la revue Message, à St-Maurice, nous observons une minute de silence, hommage aux dizaines de victimes de ce terrorisme aveugle. Là, en ce temps arrêté, mais relié aux siècles des siècles, comme les faiseurs de pluie obtiennent l’averse tant attendue, nous voici transformés en faiseurs de paix, car réconciliés avec le monde, Dieu et nous-mêmes. Alors dans la crèche de l’Histoire peut naître enfin, comme en notre intériorité, l’Enfant Rédempteur de Noël. Paix et Bien!
« Il est des lieux sur cette terre
Où l’on se sent vraiment chez soi,
La vie y semble plus légère
On y est plus heureux qu’un roi.
(…)
C’était dans un coin de Paris
Un coin de Paris qui sourit
Un café avec sa terrasse
À Montparnasse.
(…)
Des frondaisons du Luxembourg
Des vieilles pierres du faubourg
Pour notre Paris de toujours
Montait un chant d’amour.
Il est venu de lourds soldats
Qui ont écrasé tout cela,
Ah! Dites-nous qu’il reviendra
Le beau temps des lilas!»