Le périple des Pasche
Céline Pasche | En Mongolie
Nous transportons des blocs de glace pour avoir de l’eau.
Au Bangladesh
Nous créons un gigantesque bouchon en pleine ville, parce que tous les conducteurs de rickshaw se sont arrêtés par curiosité pour nous observer.
En Turquie
Nous sommes invités à boire le thé par l’armée aux nombreux contrôles puis par les révolutionnaires du PKK, entourés de leurs kalachnikovs.
En Australie
Nous avons dû installer une moustiquaire entre nos vélos pour nous protéger des mouches infernales.
Durant le périple
Une puissante énergie de liberté nous porte. Un jour après l’autre, elle nous emmène dans une lente mouvance, à expérimenter divers visages du monde. Des chaleurs torrides dans le cœur des déserts du Turkménistan et de l’Iran aux froids extrêmes de la Sibérie et de la Mongolie, des hauteurs éthérées du Tadjikistan et du Népal aux vastes steppes kazakhes. De l’accueil syrien à la densité humaine au Bangladesh, de la délicatesse japonaise aux yourtes du peuple nomade kirghiz, des mégapoles de la Chine aux huttes en bambou du Cambodge, du chant des vagues en Corée du Sud aux rires des enfants du Laos. Le voyage au rythme du vélo nous permet d’apprécier les changements d’ambiance, de végétations, de climats, d’énergies. Les distances prennent une nouvelle envergure. Nous prenons le temps, ou plutôt le temps est secondaire, ce qui prime c’est l’espace.
En Iran
Nous allons à la rencontre des populations. Voyager à vélo nous donne la fabuleuse raison d’être en certains lieux. Un jour en Iran, nous approchons un petit village. Il semble austère, tous les visages se tournent à notre arrivée, interrogateurs, méfiants. Les femmes font la queue devant la petite boulangerie des pains barbari, dont les parfums embaument l’atmosphère de pain frais. Sans vélo, nous ne nous serions jamais arrêtés ici, parce que l’endroit ne s’y prêtait pas. Pourtant, nous avons besoin d’eau.
– De l’eau ? Je vais vous montrer le puits, nous répond une femme.
D’un coup, les regards se modifient, nous avons une raison d’être là. Les dix minutes nécessaires à pomper l’eau seront suffisantes pour ouvrir une porte, pour créer un échange, pour rompre la barrière invisible des esprits protecteurs. Elles nous ouvrent un espace de partage avec les femmes en tchador ou les hommes dans les champs. L’eau est l’élément qui nous unit à eux, qui nous donne un motif, qui crée la relation. Les personnes sortent alors de leur jugement, de leur torpeur, de leur méfiance. Et comme la distance est rompue, comme l’inconnu est brisé, ils nous invitent à boire le thé.
500 km de désert par 46° C en 5 jours
Nous hurlons dans ces infinis espaces, hurlons de l’intensité du rayonnement solaire, de la chaleur étouffante qui assèche notre gorge, de nos fesses qui brûlent du frottement sur la selle et de notre tête qui explose, à la limite de l’insolation. La traversée du Turkménistan était un challenge sportif: nous avons traversé 500 km de désert en 5 jours, et la température est montée à plus de 40° C. N’ayant obtenu qu’un visa de transit dans l’un des pays les plus fermés au monde. La chaleur était suffocante et le chemin, mental, surtout que nous avons dû lutter avec un vent de face constant. Nous n’avions plus le choix, cette fois, il était nécessaire de vivre l’instant présent, un kilomètre après l’autre.