Le chant de l’entrave, nouveau récit de voyage
Christiane Bonder | Préambule
Dans les archives de la commune de Servion datant de 1976, une photo aérienne du village témoigne du récit de voyage qui va suivre. En pleine campagne, devant « Le Clos à Bailly », une ferme qui fait face à l’ancienne Poste, la surprise est de taille lorsqu’on y remarque, trônant sur la colline, la coque d’un voilier de 14,5 mètres hors-tout. Des commentaires circulent encore et nous sont parfois adressés : « Ah ! c’étaient donc vous, les fous au bateau…» Bien sûr que nous l’étions, fous comme ce Barnabé dont les premières revues et l’orgue de Barbarie résonnaient à deux pas, fous comme celui qui nous a fait confiance en nous louant une ferme dont la grange a abrité la longue construction, avant que « Christer » ne soit transporté vers le Léman d’abord, puis la Grande Bleue ensuite.
Erik, Christiane et Olivier Bonder en mer sur un voilier de leur construction
Nous nous aimions, nous étions fous et insouciants, tout nous semblait possible… Un même projet nous unissait: partir en mer sur un voilier. Après Mai 68, un souffle libertaire emplissait déjà la voilure d’une maquette en balsa, réplique de notre future embarcation. « Christer » en miniature traçait ses premiers sillages dans l’eau de notre baignoire.
Le dessin des plans, puis la construction de « Christer » vont durer sept ans. La mise à l’eau, moment d’intense émotion, est effectuée sur le lac Léman en 1977.
Au printemps suivant, nous accueillons Olivier, notre fils et moussaillon.
En 1980, nous quittons tout, sans but précis, sans idée de retour, décidés à laisser faire la destinée, à vivre au plus près des éléments qui mènent désormais nos vies à travers le monde : le vent, la mer et les étoiles. Olivier vient de fêter ses deux ans.
A cette époque, les instruments électroniques ne sont pas encore d’actualité. Nous naviguerons à l’estime, à la manière des anciens avec, pour tout luxe à bord, un moteur de 60 CV et un petit écho sondeur. Notre position en mer sera évaluée grâce au sextant et à de savants calculs reportés par points sur la carte marine.
Sous escorte de police, « Christer » sera convoyé jusqu’à Lyon d’où il se laissera
glisser sur le dos du Rhône. Nous louvoierons ensuite sans hâte en Méditerranée, de port en port jusqu’à Gibraltar, pour enfin traverser le détroit. C’est de Tanger que nous partirons à la rencontre de l’Atlantique…