La lettre
Depuis quelques mois j’écris des fables pour le journal régional. C’est une occupation qui me tient l’esprit, mais pas un jour ne passe sans que mes pensées survolent tous les instants vécus intensément avec Arthur. Aujourd’hui j’ai trouvé au milieu du courrier une lettre du Brésil. Une lettre d’Arthur. Une bonne chaleur m’a envahie, mes mains tremblaient en l’ouvrant. Et j’ai lu à voix haute:
Chère Sari,
Depuis que tu es partie, je dépéris. Je prie chaque jour
pour que tu reviennes, et tu sais que je suis croyant. Pourquoi m’avoir quitté? Et alors notre amour, notre promesse de ne jamais se séparer, qu’est-ce que tu en as fait?
Mon Dieu, j’ai attendu mes 80 ans pour trouver mon âme sœur et voilà que cela ne m’a amené que de la souffrance. Sari, réponds-moi, je t’en supplie. Des fois j’ai envie d’aller vers toi par surprise et t’arracher à tes incertitudes.
Je t’aime de tout cœur.
Arthur
P.S. Si jamais tu veux savoir, je me suis bien rétabli de l’opération de la hanche, à part que je risque de sonner en passant aux contrôles de l’aéroport!
J’ai posé sa lettre sur la table de la cuisine et me suis approchée de la porte-fenêtre. Dehors le temps pluvieux de cet été pourri me démoralisait. C’est vrai, je l’ai quitté, bien que ce soit pour une bonne cause; maintenant que mon fils s’est remis, je me trouve à nouveau seule. Oh! la solitude, la maladie du siècle, chacun pour soi, jamais le temps pour les autres et on s’embête dans son coin. Mais ces mots imprimés sur ce petit bout de papier me revenaient comme des cris. Que dois-je faire? Est-ce que je l’aimais autant? Et puis, peut-on aimer à mon âge? Que de questions sans réponse…
Sari