La colombe poignardée et le pigeon de Nicobar
Luc Grandsimon | Il est intéressant d’observer la diversité d’individus d’une même famille.
Si l’on prend l’exemple de la famille des columbidés, nous trouvons aussi bien le pigeon ramier de nos villes, le Goura Victoria, dont nous avons déjà parlé, la colombe poignardée (Gallicolumba luzonica) et le pigeon de Nicobar (Caloenas nicobarica), nos deux invités de la semaine.
Colombes et pigeons exotiques
La colombe poignardée est originaire des Philippines; il en existe deux espèces, la Gallicolumba luzonica et la Gallicolumba crinigera ou Gallicolombe de Bartlett. «Au Tropiquarium, c’est la Gallicolumba luzonica qui vole librement dans notre serre tropicale» explique le directeur du Tropiquarium de Servion, Philippe Morel. Elle est généralement solitaire, son alimentation se compose de graines, de baies et de fruits.
Le pigeon de Nicobar vit dans les forêts denses de l’Inde et de la Nouvelle-Guinée. Son nom «Nicobar» lui vient tout simplement du fait qu’il réside principalement dans les îles Nicobar, archipel situé à l’est de l’océan Indien. Ces pigeons se déplacent en petits groupes d’îles en îles, ils se nourrissent surtout de baies, de fruits et d’insectes. Ce sont les plus proches parents du Dodo Mauricien, oiseau complètement disparu.
«Ces deux oiseaux sont peu courants, voire très rares dans les parcs zoologiques», nous informe Philippe Morel.
Des apparences souvent trompeuses
En classement animalier, il faut se méfier des apparences lorsqu’on parle phylogénie, c’est-à-dire lorsque l’on s’intéresse à la succession des espèces animales que l’on suppose descendre les unes des autres.
La colombe poignardée tient son nom de la tache rouge sang qu’arbore son plumage au niveau du poitrail. Ses pattes sont rouges et le dessus de son corps est gris foncé avec des reflets métalliques. Sa gorge, sa poitrine, excepté sa tache rouge, et tout le dessous de son corps, sont blancs. «Cette tache rouge sang lui sert lors des parades nuptiales. Le mâle court après la femelle: lorsqu’il est proche d’elle, il s’arrête brusquement, se redresse en arrière sur sa queue déployée, gonfle sa poitrine pour exhiber sa tache rouge et émet un roucoulement.» Cet oiseau mesure environ 30 cm pour un poids de 180 g. Il ne possède pas de dimorphisme sexuel, il vit au sol et niche dans les arbres.
«Sa particularité comportementale est d’aimer prendre des bains de soleil et de pluie. Il se couche ainsi sur le côté et déploie l’aile qui ne repose pas sur le sol. Certains visiteurs voyant l’animal couché avec cette tache rouge sur le poitrail pensent que l’animal est mourant ou blessé et viennent nous avertir. Nous les rassurons et leur expliquons que ce comportement est sain et naturel.»
Le pigeon de Nicobar est un oiseau doté d’un plumage exceptionnel. Il possède un plumage doré, vert sombre irisé avec des tons et reflets cuivre. Son bec est noir et ses pattes rouges. Sa queue est courte et blanche et de longues plumes descendent le long de son cou. Leur dimorphisme sexuel se manifeste au niveau de la caroncule sur le bec qui devient plus proéminente lors des saisons de reproduction. Les jeunes acquièrent leur plumage définitif entre 5 et 14 mois. Ils mesurent entre 30 et 40 cm et pèsent entre 450 et 600 g. …et pourtant une méthode de reproduction similaire
«Ces deux espèces de columbidés pondent en général deux œufs, cependant seul un des pigeonneaux du pigeon de Nicobar survit. Tous les deux nichent dans les arbres et les petits naissent sans plumes, ils sont nidicoles. L’incubation dure environ 19 jours pour la colombe poignardée et environ 21 jours pour le pigeon de Nicobar. Le mâle couve la journée et la femelle la nuit. La nourriture des oisillons consiste en du «lait de pigeon». C’est un lait sans glucide. La couche de base des cellules épithéliales du jabot produit une couche supérieure qui va se mélanger au lumen et subir des transformations pour devenir le lait de jabot. La protéine prolactine va stimuler ces cellules afin qu’elles accumulent une grande quantité de lipides et de protéines.
Au Tropiquarium, cela fait plus de 20 ans que nous présentons ces deux oiseaux, ils se sont toujours bien reproduits, nous avons fréquemment des naissances.
Les visiteurs apprécient beaucoup de pouvoir les observer au plus près dans la serre tropicale. La raison est simple, ils ont ce qu’on appelle «la distance de fuite». Un oiseau dans une volière de petites dimensions n’oserait pas s’approcher, car il ne pourrait pas s’enfuir, il serait vite rattrapé. Nos oiseaux savent que s’ils veulent se mettre hors de portée du danger, ils peuvent s’envoler et se cacher, ils sont donc moins craintifs. C’est un privilège de pouvoir se promener avec ces oiseaux exceptionnels volant au-dessus de notre tête ou courant à côté de nous.»
Ces deux oiseaux sont classés en liste II dans les statuts de l’UICN: légèrement menacés de disparition il y a quelques années, leur statut devient de plus en plus menacé.