De l’impossibilité de ne pas choisir son camp
Après Davos, Munich et un autre moment de gouvernance mondiale. La sécurité globale succède à l’économie. A l’occasion de ces grand-messes internationales, les puissants se rassemblent, à l’évidence plutôt dans des lieux germanophones, s’entretiennent les uns les autres, font des déclarations et prouvent au reste des populations éparpillées et perdues qu’ils sont au chevet de la planète. Les partisans d’un gouvernement mondial doivent se réjouir de ces aboutissements. Enfin, il y a des règles et des forces volontaires et a priori capables de les faire appliquer. Il semble ce week-end à Munich que l’on ait justement discuté de l’Ukraine, la France et l’Allemagne (mais l’Allemagne surtout) rapportant à leurs collègues la meilleure façon de mettre un terme à ces violences fratricides et incompréhensibles.
A vrai dire, il est loin d’être certain que toute cette mobilisation et ce dispositif fonctionnent vraiment. Cette gouvernance mondiale fait en vérité assez pâle figure. Peut-être en Ukraine, avec un peu de chance et de bonne volonté, la France et l’Allemagne parviendront-elles à imposer leur plan de paix. Pour le reste cependant, l’Etat islamique, le conflit israélo-palestinien, les dérives égyptiennes, les questions climatiques (entre autres), l’influence des puissants rassemblés à Munich ou ailleurs – New York ou Genève – s’estompe. Ces «choses-là» et leur résolution paraissent hors de leur portée. Or, faut-il le reconnaître, lorsqu’il s’avère impossible de gérer, en arbitre, la tentation de s’en mêler devient forte. L’Etat islamique porte déjà la menace sur nos territoires. Les «Je suis Charlie» sont fort sympathiques mais risquent largement de demeurer insuffisants.
Munich est un prélude. Seuls nos gouvernants pour le moment semblent concernés: s’il y a intervention militaire, ce sont des professionnels qui sont engagés. Ces enjeux internationaux sont tenus à l’écart des citoyens. Cela ne sera plus possible, bientôt. L’international devrait se transformer en «civilisationnel». Ce n’est plus de vague et ennuyeuse géopolitique dont il devrait s’agir, mais bien de questions existentielles, philosophiques, identitaires, que personne ne peut renier. En somme, ce sont les peuples eux-mêmes qui devraient participer aux grandes conférences de Munich et de Davos. Vu l’état du monde, si bien analysé, il faut craindre qu’il soit bien difficile à l’avenir de ne pas prendre position. Bienheureux celui qui parviendra à préserver une neutralité confortable.
Laurent Vinatier