Au pas de gymnastique
Pierre Dominique Scheder | Gosse, je n’aimais pas la gym. Le prof était du style caporal. A la moindre incartade, c’était une dizaine d’appuis-faciaux en guise de punition. Les vestiaires puaient les panards et la vieille chaussette. Et si peu de place pour le jeu! Tout cela me fit haïr ces heures de gym, coincées entre dictée et calcul, périodes scolaires tout aussi maussades. Mais j’étais fort aux perches, grâce à ma sauvage habitude de grimper aux arbres. J’excellais aussi au 400 mètres et plus, de par mes «courateries» quotidiennes sur les petits chemins de campagne, qui ne menaient pourtant pas bien loin et qui, par n’importe quel bout, retournaient toujours chez nous. Ainsi formé à la liberté des champs, je passai tout de même brillamment le recrutement militaire. Je jetai le plus loin possible la grenade d’exercice – pressé que j’étais de vite m’en débarrasser – devant les yeux ébahis d’un colonel. Il m’enrôla aussitôt dans les grenadiers. La connerie de sa vie! Quelques mois plus tard, «j’occupais», à la tête de toute une chambrée de soldats en gaie mutinerie, le staff des officiers sidérés. Je fus vidé sur-le-champ et le trop candide colon sanctionné.
Mais, ce deuxième week-end de l’Avent 2014, grâce à la soirée annuelle de la FSG Chexbres, un typhon de bonheur et de joie est venu balayer ces préjugés de vieux soixante-huitard. Durant près de trois heures, sur des musiques modernes et entraînantes, des enfants, des jeunes et des adultes évoluent de prouesse en prouesse, autour d’un scénario tout en finesse: «Le rêve américain». Les tableaux sont introduits par des saynètes hilarantes, comme en créent souvent les Vaudois, qui savent si bien brocarder leurs Autorités et les pandores de la culture. Car, Mesdames et Messieurs, nous sommes bien là au cœur de la culture, simple et populaire. Oui, Ramuz aurait aimé cela. Ce Ramuz si souvent confisqué par un intellectualisme élitaire. La cohorte des enfants exultant de joie suffit à démontrer la justesse d’un tel rassemblement de chouettes gens, travaillant, qui plus est, tous bénévolement à cette vraie fête villageoise. Je vibrais au milieu de toute cette jeunesse. Lors du final tout en beauté de cette merveilleuse soirée, avec cette troupe d’enfants qui piaillaient comme un arbre plein d’oiseaux, je me réjouissais moi aussi comme un bambin! Comment le monde peut-il s’enfoncer encore pareillement dans ses hivers de guerres, de misère et autres cruelles absurdités? Alors qu’il est si simple de jouer, fêter, chanter, danser… s’aimer, bref, «de sourire à la vie!» Bravo et mille mercis à toutes et à tous. Vive le pays romand!