Adieu l’artiste !
Entre éclipse, heure d’été et poisson d’avril, Hans Erni est passé de l’autre côté du miroir. Aucune relation de cause à effet, ni une quelconque trace de croyance à des liens mystiques, juste un artiste qui s’en va en nous laissant ses traces. Cela a été mentionné de nombreuses fois dans la presse ces derniers jours mais impossible de passer outre le constat. Sans avoir jamais étudié son art, ni suivi son parcours de vie, la seule mention de son nom fait immédiatement apparaître son trait. L’omniprésence de ses œuvres en Suisse rend impossible de dire «…jamais vu!? qui est-ce?»… Enormément de personnes possèdent un Hans Erni chez elles, ne serait-ce que sous forme d’un cabas Migros rempli de livres à la cave.
Certains feront la différence entre l’artiste et le plasticien. L’artiste vrai ne se commet pas avec le mercantilisme commercial, il soigne la rareté, garante de son statut et de la qualité (discutable) de son œuvre. Le plasticien apprête, adapte, décline et multiplie sa création en fonction des supports et de la demande et – suprême offense à l’artiste qu’il est sans doute – modifie son œuvre selon les desideratas de ses commanditaires. Il me semble que derrière les plus grands artistes s’est souvent trouvé un mécène, client ou commanditaire… La distinction entre artiste et plasticien n’a plus lieu d’être, sauf peut-être à vouloir briller en exquise compagnie dans un salon privé parisien ou berlinois. Le même discours est tenu entre artistes et artisans, un ferronnier ou un ébéniste en sont-ils?
Hans Erni fut les deux, avec un privilège qui rendrait jaloux n’importe quel créatif en herbe, celui de vivre de son art. Certes, il a eu droit à de la vache enragée dans son assiette pendant des périodes plus ou moins longues mais au bout du chemin, une qualité de vie à faire pâlir un printemps naissant! Et que dire de sa durabilité, serait-ce que la création conserve mieux? Que l’âme d’enfant empêche le passage du temps? Il aura eu toutes ses dizaines fêtées comme si c’était la dernière et voilà qu’il s’en va à un âge qui ne veut rien dire, sauf peut-être pour quelques fans d’automobiles françaises…
Un héritage fort. Peu d’artistes peuvent se targuer de nous avoir marqués ainsi. Que l’on aime ou pas, ses œuvres elles, sont indéniablement ancrées dans nos mémoires personnelle et collective. Humilité, humanité et permanence. Chapeau bas l’artiste!