40e Coupe d’Argent et d’Avant
par Christian Dick | La 40e Coupe d’Argent et d’Avant a eu lieu le week-end des 7 et 8 juin dans la baie de Moratel à Cully. Dans de petits airs dix 6.5m s’y sont donnés rendez-vous, pour moitié des classiques. Deux manches sur les huit possibles ont été courues. Swiss 5 remporte la Coupe d’Argent, Nicolas celle d’Avant.
Un 6.5m d’Avant, pour utiliser les termes de la rencontre, fait remonter sa conception à plus d’un siècle. Avant dit aussi, tout simplement et pour faire court: «Avant les modernes». La coque est faite de bordés montés sur varangue. Pour le profane, ce seront des lattes assemblées bord à bord et maintenues entre elles par un support perpendiculaire, en bois également comme tout le reste d’ailleurs, voiles et accastillage mis à part.
Pourquoi six mètres cinquante? C’était il y a un siècle la longueur de chargement d’un wagon plat. Reconnue en 1907 par le Yacht Club de France, la jauge porte le nom de jauge chemin de fer et le bateau série chemin de fer. La Nautique à Genève l’adopte en 1911. Le voilier deviendra vite un standard sur le lac Léman.
Les modernes sont nés dès les années septante et répondent à l’évolution de la voile et de la demande. La jauge est dite évolutive. Les nouveaux plans et leurs évolutions permettent au voilier d’obtenir une vitesse accrue.
Ceci nous amène à certaines considérations. Si l’évolution de la jauge des modernes promet de meilleures performances, c’est aussi que le coût de fonctionnement prend l’ascenseur et augmente les disparités. D’où, forcément, une baisse de fréquentation aux régates.
Pour un classique, le coût d’entretien est relativement élevé et nécessite des flacons d’huile de coude, des week-ends d’hiver sans lattes aux pieds, un soin particulier et/ou des visites à répétition au chantier naval.
Autant dire qu’un voilier en polyester est pratique et répond aux attentes du navigateur d’aujourd’hui! Il ne nécessite pas des heures de bâchage et de débâchage, ni des week-ends de transpiration ou de recoudre un porte-monnaie percé en permanence!
Voilà. La conservation du patrimoine a donc un prix, un prix souvent élevé, à la mesure des satisfactions qu’il procure. Est-ce la rançon du progrès? des règlements? du coût? du plaisir? Si certains se sont attachés depuis longtemps à leur voilier et n’y renonceraient pour rien au monde, combien d’autres ont laissé le leur sécher dans un local ou pourrir dans un pré faute de moyens, de place au port, de solutions?
Alors, amis lecteurs, lorsque vous contemplerez l’un de ces voiliers, ayez pour leur propriétaire, tous ne sont pas riches, une pensée amicale et reconnaissante.
Je me rappelle un voyage aux Etats-Unis, entre New York et Boston, où, dans l’état de Rhodes Island à Newport, l’International Yacht Restoration School (IYRS) forme des constructeurs navals. On s’y inscrit du monde entier. Une place devant le vaste édifice accueille des dizaines d’épaves qui referont les beaux jours de la navigation classique et la fierté de leurs futurs acquéreurs.
D’autres voiliers, comme le fameux Coronet de 1885, le plus grand des anciens voiliers au monde, y est aussi en cours de restauration. La côte est fidèle à son patrimoine qu’elle entretient avec fierté et nous sommes dans une nation qui, si elle ne subventionne pas, place l’esprit d’entreprise au premier rang des priorités.
Mais ne soyons pas trop jaloux! S’il existe, ici chez nous, des voiliers classiques qui sèchent loin des regards, nous avons aussi la plus belle flotte européenne de bateaux «belle époque».
C’est d’ailleurs pour que ne meure pas une tradition vélique d’importance qu’existent, années après années, des manifestations telles que la régate des Vieux Bateaux à La Tour-de-Peilz, la fête des canots à Rolle, la parade CGN ou le musée du Léman à Nyon.
Alors, dans l’immédiat, pourquoi ne pas vous rendre à Moratel le 29 juin à 9h pour la régate «Cully-Meillerie-Cully» et dès lundi 30 juin à 19h aux «5 Soirs du Dézaley»? Il y aura des voiliers modernes… et quelques classiques!
Bon vent à tous et à bientôt!