Un toit – Bernard Utz / Editions d’autre part
Monique Misiego | Après la mort de sa femme Célestine, Joseph décide de tout quitter pour construire le projet qu’ils avaient en commun. Il a déjà démissionné de son travail, a remis l’appartement, s’est débarrassé du superflu, a fait des allées et venues à la décharge, non sans mal. Il n’a gardé que très peu de choses qui appartenaient à sa femme, dont ses livres. Il va s’isoler tout seul sur ce petit terrain à la lisière de la forêt. Il n’est pas bricoleur, du moins pas un habile bricoleur, mais il a des idées. Il n’a que peu de moyens, quelques économies, et va construire sa maison avec les pierres du ruisseau proche de sa maison, les arbres de la forêt, une bâche pour le toit. Dans un premier temps, il va dormir sous une tente en attendant l’avancée des travaux. L’hiver approchant, il va mettre les bouchées doubles pour avoir un vrai toit sur la tête. Elle lui convient, à lui, cette vie de solitaire, il s’en accommode bien. Ses beaux-parents, très en souci pour lui, viennent prendre de ses nouvelles. Il y a aussi cette sœur, qui habite en Angleterre et qui voudrait lui rendre visite. Visite qu’il va tenter de refuser avant qu’elle ne débarque un soir devant sa porte. Il faut dire qu’il n’est pas au top des moyens actuels de communication. Pas de natel, pas d’ordinateur. Il vit comme un ermite. Ce qui va déranger quelques personnes au village. Parce qu’il n’a pas fait les demandes en règle, la commune va lui faire savoir qu’il doit redémolir cette cabane qui n’est pas en règle. Lui la trouve très bien sa cabane et n’a aucune envie de s’exécuter. Il vit chichement, se nourrit de boîtes de conserves en général, n’a aucune distraction, à part la construction de son habitat. Il va soudainement prendre conscience que les livres laissés par sa femme l’interpellent. Lui qui n’est pas du tout un grand lecteur, alors que sa femme en avait toujours un avec elle, pour ne jamais s’ennuyer, va se lancer dans la lecture d’un premier roman, puis un deuxième, pour se rendre compte que sa femme revit à travers les livres qu’elle a aimés. Il va retrouver des phrases soulignées, se demander pourquoi, essayer de comprendre l’attrait qu’elle avait pour tel ou tel récit. Il va essayer de faire son deuil, parce qu’on le lui conseille, sans y arriver. Et comme dit Philippe Delerm, qu’il cite dans ce livre : On est toujours seul en face de la mort de ceux qu’on aime. Et s’il y a vraiment deuil, on a le droit aussi de ne jamais le faire… C’est le premier roman de Bernard Utz, né en 1987, qui vit à Bretigny sur Morrens. Et c’est une réussite comme souvent les premiers romans. J’aime assez chroniquer ces premiers romans, car il y a souvent quelque chose de naïf, de pur, de sincère, qui est écrit pour le poser et non pour le vendre. Celui-ci ne déroge pas à la règle. Très beau roman, peut-être un peu court, c’est le seul bémol. Mais à conseiller. Vraiment. Ce n’est pas un roman triste. Juste un parcours de vie à un moment donné.