Plein feu sur la charbonnière
Gil. Colliard | Du 16 au 19 avril prochain, le 12e Comptoir régional d’Oron se tiendra au centre sportif d’Oron-la-Ville. Habitué à proposer au public un stand reproduisant une parcelle de nature, en collaboration avec les représentants cantonaux de la faune ou de la pêche, le Groupement forestier Broye-Jorat s’illustre tout particulièrement cette année en érigeant à l’extérieur, en plus de son stand intérieur, une véritable charbonnière qui carbonisera, sous haute surveillance, tout au long de la durée de la manifestation.
Initiée par Reynald Keller, inspecteur forestier du 5e arrondissement, l’idée de créer une charbonnière a germé au sein du Groupement forestier Broye-Jorat pour trouver sa concrétisation lors du Comptoir régional d’Oron. Dirigée par le comité et tout particulièrement par Eric Sonnay, garde-forestier, l’organisation d’une telle construction a pu prendre forme en collaboration avec Henri Geissbühler de Constantine, garde-forestier à la retraite et rompu à cet art.
Construction de la charbonnière, l’art de faire de la fumée sans flamme
Après une préparation du site avec la mise en place d’une imposante bâche, assurant une protection de la charbonnière et de ses alentours contre les intempéries, et la création d’un sentier en planches par les TIG* pour rejoindre le corps du Comptoir, 25 stères de foyard sec, issus de la forêt de l’Erberey, seront érigés selon les règles en une meule de 6 m de diamètre pour une hauteur de 2,50 m comprenant, en son centre, une cheminée. Une fois le bois bien rangé, avec le moins de trous et d’espaces possibles, une couche de foin, correspondant à environ une demi-balle ronde, sera disposée régulièrement par-dessus. Autrefois fait de feuilles sèches et de fougères, cet apport permet au poussier fait de 8 à 10 m³ de terre végétale sans caillou et sans motte d’être disposé tout autour de la charbonnière sur une épaisseur de 10 à 15 cm. Afin que la terre ne glisse pas, on la met en place à la pelle, en petits escaliers. Cette préparation qui prendra deux jours à plusieurs hommes s’effectuera les 9 et 10 avril.
Allumage le 11 avril, 13 jours sous haute surveillance et mise en sacs le 23 avril
Le 11 avril à 11h sonnera l’heure de l’allumage de la charbonnière, qui se fera en présence d’une jolie brochette d’invités. A l’aide de l’échelle posée contre son flanc, des braises ardentes seront introduites depuis le sommet de la cheminée et descendront jusqu’à la base de la grosse taupinière pour lui allumer les entrailles. L’ouverture demeurera pendant une à trois heures, afin d’obtenir un embrasement optimal avant d’être refermée. Le charbon de bois s’obtient par pyrolyse, soit par la transformation du bois sous l’action de la chaleur (entre 600 et 800°) et le manque d’oxygène. Le travail du charbonnier consistera, pendant toute la durée de cette étape qui prendra 9 jours, à veiller toutes les deux heures, jour et nuit, à ce que l’édifice ne s’enflamme pas mais ait un apport en oxygène suffisant. Pour cela, il tassera la couverture ou fera des petits trous avec sa barre à mine. Les différentes couleurs de la fumée qui s’échappera du tertre lui fourniront de précieuses indications sur l’évolution du processus. Deux jours seront nécessaires au refroidissement de la charbonnière qui aura été préalablement «étouffée» en tamisant la terre pour l’affiner afin qu’elle ne laisse plus passer d’oxygène. L’ouverture s’effectuera, selon la météo, dans la soirée du 22 avril, afin de profiter de la nuit pour contrôler et éteindre d’éventuelles braises parmi les 2000 kg de charbon obtenus. La mise en sacs de 10 kg interviendra le 23 avril, avant de procéder à la remise en état du site. Le charbon du Comptoir régional d’Oron sera disponible sur place le 23 avril, et lors du Marché de Carrouge le
24 avril de 16h30 à 19h30.
Les professionnels de la forêt ayant, par essence, un profond amour de leurs métiers et une belle culture de la convivialité, un petit chalet-bar sera installé à proximité de la charbonnière afin de partager quelques instants, dès le 11 avril, avec Henri Geissbühler, passionné qui ne manquera pas de délivrer les secrets de cet art pour lequel il s’est enflammé.
*TIG: personnes devant accomplir un travail d’intérêt public.