Palézieux Plus ou les effets pervers de la LAT
Gil. Colliard | Lancé en 2005 par les anciennes autorités de Palézieux, le projet urbanistique «Palézieux Plus» avec ses 4 pôles d’actions: la Sauge, la gare, le quartier sous-gare et le village, voit son avenir ébranlé par les effets découlant de l’application de la Loi sur l’aménagement du territoire (LAT), adoptée par le peuple le 3 mars 2013. Interrogés sur l’avenir du développement d’Oron, Olivier Sonnay, municipal en charge de l’aménagement du territoire et Thierry Menétrey, à la tête du dicastère de l’urbanisme, dénoncent les implications imprévisibles de ce vote et s’interrogent sur l’avenir économique régional.
Des règles du jeu en constante évolution sapent les piliers du projet
Visant à garder la maîtrise du territoire et à penser le développement de manière durable tout en valorisant le site de la gare de Palézieux, le projet Palézieux Plus a été conçu pour densifier l’habitat dans la zone village, générer à la Sauge un espace de vie agréable avec quelque 750 logements dans un cadre de verdure, créer un quartier commerces et tertiaire sous-gare et un réaménagement de la gare avec la construction d’un «Parc & Ride» attendu impatiemment par les nombreux usagers du rail. Farouchement convaincu que la densification près de la gare est la solution contre le mitage, Thierry Menétrey trouve paradoxal que ce soit justement la loi contre ce grignotage non maîtrisé du sol qui vienne mettre son holà. «Nous avions rêvé un quartier où il fait bon vivre, avec une vraie vie sociale, un esprit villageois et les avantages indéniables du réseau routier et de la gare qui en font une plateforme des transports. Aujourd’hui, quelques chiffres empêchent la réalisation de ce projet bien ficelé», regrette-t-il. «Personne n’imaginait les implications de ce vote, même au SDT (Service cantonal du développement du territoire); nous devons hélas appliquer des décisions contraires au but recherché», renchérit Olivier Sonnay.
La LAT exige une révision du Plan directeur cantonal dans les cinq ans, avec prise en compte des réserves maximales en termes de population pour les 15 prochaines années, ne pouvant dépasser les besoins fixés. Or le canton a chiffré ces réserves à 193’000 habitants devant se répartir sur l’ensemble du territoire, impliquant une limitation dans les petites localités. La décision, intervenue en décembre 2015, fixant à 1.7% l’augmentation annuelle moyenne de la population dans les centres régionaux (Oron-la-Ville et Palézieux-Gare) jusque-là sans limite, est tombée comme un couperet. «Nous arrivions à bout touchant au niveau des propositions de compensations territoriales pour donner vie à Palézieux Plus. Cette nouvelle disposition a été un vrai coup de massue et un arrêt brutal au projet tel qu’initié», constate amèrement Olivier Sonnay qui rappelle que près de deux millions d’argent public et privé ont déjà été investis dans ce dossier.
Tout projet d’augmentation de surface de plancher bloqué hors des centres
Autre effet récent découlant de la mise en œuvre de la décision populaire, l’obligation pour la Municipalité d’élaborer dans les 8 mois un plan ainsi qu’un règlement pour la zone réservée. Cette démarche bloque, dans les zones constructibles hors des centres régionaux de Palézieux-Gare et Oron-la-Ville, toute augmentation de surface habitable le temps qu’un nouveau PGA (Plan général d’affectation) soit adopté, en principe dans les 5 ans. Le travail consiste à calculer précisément l’augmentation de la population depuis le 1er janvier 2014, date de référence, et de déterminer la possibilité restante d’augmentation de la population pour les 15 prochaines années. Mettant la pression sur les communes, le canton a fait opposition à un premier projet à Palézieux-Village, afin d’initier la procédure de redimensionnement des zones à bâtir par cette première étape de la zone réservée. «Nous avons déjà refusé 20 dossiers depuis cette mesure. Cette décision nous peine, mais nous sommes contraints de l’appliquer», déplore Olivier Sonnay, agriculteur pourtant convaincu par l’idée fondamentale d’éviter le mitage du territoire. «Le calcul devrait porter sur les surfaces et non sur le nombre d’habitants», souligne-t-il.
Le nouveau PGA (Plan général d’affectation du sol) déterminera l’avenir de chaque parcelle actuellement à bâtir, soit en maintenant cette affectation, en la voyant revenir en zone agricole, en la bloquant jusqu’en 2036 ou en l’affectant en zone verte ou d’utilité publique. La Municipalité fait son possible pour défendre les propriétaires mais la marge de manœuvre est mince. Les communes appliquent les décisions du canton qui applique celles de la Confédération qui répond à la décision du peuple. Le peuple s’est-il trompé en votant ou le peuple a-t-il été trompé? «Economiquement, à Oron, chaque année le privé investit environ 40 millions en rénovations et créations. Cela devra être divisé par deux. Quelques projets vont encore se réaliser, mais on peut sérieusement avoir des soucis au niveau économique», redoute Thierry Menétrey.
Un avenir aux contours flous appréhendé avec détermination
Travaillant en coulisse avec le canton par de nombreux contacts, la Municipalité vit une période d’intenses discussions également avec les autres intervenants tels que les propriétaires, les mandataires pour trouver la meilleure solution pour la suite du projet de la Sauge, débouchant sur la décision d’abandonner le dossier ou de le poursuivre en le redimensionnant. Faudra-t-il craindre un déclassement de la gare à Palézieux-Gare en cas de mort du «Parc & Ride»? Un avenir et des questions pour lesquelles les élus, après avoir passé par une phase de découragement et de déception, s’appliquent à trouver des solutions avec détermination, malgré les constantes modifications des règles du jeu. Début 2017 devrait voir se profiler une piste et qui sait, la 4e révision du Plan directeur cantonal, qui sera adopté par le Grand Conseil en deuxième partie de l’année prochaine, peut réserver une surprise!
Qu’en pense Christian Bays, syndic de Palézieux lors de l’initiation du projet Palézieux Plus, et aujourd’hui municipal d’Oron?
«C’est un immense gaspillage d’énergie. Nous avions rêvé d’un magnifique quartier. En disant oui à la votation, le peuple n’a pas imaginé les effets qui en découleraient pour le développement des villages. Cette loi change les normes par rapport au projet de départ. Il faudra le redimensionner. J’en suis triste. Mais nous nous battons au niveau de la Municipalité pour que l’esprit de Palézieux Plus ne soit pas abandonné.»