Les rêves d’Anna
Sylvie Ricci Lempen / Editions d’En Bas
Monique Misiego | En mars 2012, Federica, antihéroïne postmoderne et titulaire d’un bachelor sans lustre en économie d’entreprise, quitte Rome et son ambiance empuantie par le berlusconisme. Tournant le dos à un amoureux très défectueux et aux petits boulots minables, elle s’envole presque au hasard pour Glasgow – après, on verra bien. Elle a un futur, difficile à prédire, mais elle a aussi un long passé: car comme celui de nous toutes et tous, son passé dure depuis plus longtemps que sa vie. Ce n’est pas une question de gènes, mais de transmission. Le roman se déroule sur un siècle, mais à rebours de la chronologie, à différents endroits d’Europe (en Italie, en Ecosse, en Suisse, en France, avec aussi un clin d’œil à la Grèce). Il comporte cinq parties et cinq protagonistes, appartenant à cinq générations différentes (des femmes, jeunes ou même très jeunes), mais il ne s’agit pas d’une saga familiale à l’envers. Le lien de chaque protagoniste avec celle de la génération précédente et celle de la génération suivante est toujours d’une nature différente. La première partie se situe en 2012, la dernière pendant la deuxième décennie du XXe siècle. Ce livre est plutôt finement écrit. Chaque protagoniste est amenée à rencontrer la figure principale du chapitre suivant, comme on recule dans le temps. Ce roman est particulier, mais son intérêt se trouve dans la diversité des circonstances et des évènements auxquels sont confrontées les personnages tous féminins. C’est un kaléidoscope des conditions sociales propres à chaque époque de ce roman. Quelques longueurs parfois à cause du sens du détail de l’auteure mais le contexte historique de chaque époque est relaté de façon
précise. La version originale de chaque partie est écrite dans la langue de la protagoniste (soit le français ou l’italien, qui sont à égalité les deux langues maternelles de l’auteure): chaque partie est ensuite réécrite dans l’autre langue, de manière à aboutir à deux manuscrits similaires mais non identiques, qui ne sont à proprement parler la traduction l’un de l’autre mais relèvent plutôt d’une récréation du texte. L’auteure est née à Rome en 1951 et vit actuellement en Suisse. Docteure en philosophie, elle se consacre aujourd’hui principalement à l’écriture, après avoir été journaliste et enseignante universitaire. Féministe engagée, l’œuvre littéraire de Silvia Ricci Lempen a été couronnée par plusieurs prix (Prix Michel Dentant 1992. Prix Schiller 1996). Elle écrit en français et en italien. En 2014, elle publie aux Editions d’En Bas « Ne neige-t-il pas aussi blanc chaque hiver ? »