Les paysans : espèce en voie de disparition ?
Xavier Koeb, Maracon | Comment se fait-il qu’on puisse acheter à Oslo des pommes de terre saoudiennes? Alors que chacun sait que ce tubercule ne pousse pas en Arabie saoudite. Les agriculteurs produisent depuis toujours la subsistance des hommes sur la planète. En Suisse, ils sont encore protégés par des lois et un intact capital de sympathie. Mais pour combien de temps? Il n’en va pas de même en Afrique en général et en Ethiopie en particulier. La «Saudi Star Agricultural Company» détient plus de 150’000 hectares de terres arables. Cette société saoudienne paie au gouvernement éthiopien une location annuelle risible. Les paysans Nuer ont été chassés par l’armée. Où ? Sans doute vers les sordides bidonvilles d’Addis-Abeba. Sur leurs terres des migrants en provenance du Sri Lanka produisent maintenant des roses et des pommes de terre. Que la «Saudi Star» exporte vers des pays à fort pouvoir d’achat. Comme la Norvège. C.Q.F.D.
Grâce à la stratégie agricole néolibérale de l’OMC, reprise par la FAO (Food and Agricultural Organisation) postulant que tout aliment doit être produit là où les coûts sont les plus bas, puis exporté vers les pays consommateurs, on en arrive à cette monstrueuse aberration. Le Sénégal – pays où à peu près tout pousse – importe 70% de son riz de la Thaïlande. Chez nous les bocaux de concombres «élaborés en Suisse» proviennent du Vietnam. Le Conseil fédéral veut prochainement autoriser, sous la pression de l’OMC, la vente de bœuf américain gonflé aux hormones. Le tableau est très sombre. Les grands prédateurs, les hedge funds, les banques multinationales s’en sont pris au marché des matières premières. En spéculant sur les matières agricoles. Ils engrangent des profits indécents. La souveraineté alimentaire, à savoir le droit de chaque pays de se nourrir lui-même et le droit de protéger ses paysans, doit être impérativement défendue. Les Etats ont de moins en moins de pouvoir face aux exigences des traders et spéculateurs. En Suisse, on tergiverse. Des mouvements comme Via Campesina, le syndicat Uniterre, les Eglises, interviennent avec énergie pour sauvegarder ce qui peut l’être. 2015 sera une année de prise de conscience et d’actions. Ou sera une année de résignation avec un flot grandissant de pauvres hères chassés par la famine et la misère. Bonne année malgré tout.