Les bobs
Propos recueillis par Rosane Schlup | Aujourd’hui, c’est jour de neige. On vient à l’école avec nos bobs ou nos assiettes et on se réjouit de la récré. Une fois que ça sonne, on se précipite dans le champ pentu du fermier et c’est permis seulement en hiver, le champ pentu du fermier.
On doit faire une trace et après, ça va mieux. Nathan, c’est le spécialiste des sauts. Il en construit un et après il nous crie c’est bon les gars. On peut y aller. On appelle ça le saut de la mort qui tue. Si on est seul, c’est plus facile que si on est deux. A deux, celui qui est derrière, il se désolidarise du bob sur le saut et alors Nathan ronchonne, parce que ça lui nique son saut. Il passe sa récré à l’améliorer son saut et à faire des réglages en neige et à nous dire c’est bon les gars.
Quand on est en haut de la côte, il faut faire vite pour s’asseoir dans le bob, sinon il part tout seul et on est monté la côte pour rien. Coralie a encore pleuré et on l’a vue descendre la côte au moins deux fois à pied.
On peut pas se mettre à plat ventre, la tête en avant et se crocher par les pieds comme à l’époque, ça s’appelait des trains. Avec nos bobs actuels on peut plus faire des trains, mais au moins nous, on a des volants. On peut tenir la ficelle du copain. C’est pas facile, surtout s’il nous dépasse et ça fait mal au bras. A la fin, on se décide quand même à descendre, mais chacun pour soi.
Après, la maîtresse essaie de nous rapatrier en disant encore une et c’est la dernière. Là, il y en a qui comprennent pas tout de suite et leur dernière quand la maîtresse leur demande, c’est jamais leur dernière. Ils abusent. Alors, quand la maîtresse trouve qu’il y en a trop qui abusent, elle en a marre. Ça doit aussi être parce qu’elle a froid aux pieds et sûrement aussi parce que son café est fini depuis un bon moment. Elle nous arrête les bras grands ouverts un à un au bas de la descente et on peut plus remonter du tout, même en la suppliant pour une super dernière collective. D’habitude, cet argument ça marche à tous les coups, ça la fait fondre, mais en hiver, je sais pas pourquoi, ça marche pas.
Maman m’a dit que c’est pas comme ça dans toutes les écoles, en tout cas pas à la ville.
J’espère que mon copain Nathan, il va jamais déménager à la ville.
Quand je serai grand, je serai testeur de bobs ou constructeur de sauts. Papa a rigolé quand je lui ai dit et il a dit que ça, c’était un métier d’avenir ça… Je suis content parce que j’y ai pensé tout seul et que personne y a pensé avant moi. Je prendrai Nathan comme associé…
Nicolas, 7 ans et demi