L’enseignante licenciée donne sa version des faits
Mathieu Janin | Mardi 6 février, la maîtresse licenciée et son avocat ont invité les journalistes du groupe Tamedia pour recadrer l’affaire, suite à la première vague d’articles à charge parue trois semaines auparavant dans la presse romande. Tous deux contestent son licenciement immédiat et estiment qu’il ne s’agit pas de justes motifs.
Mercredi 7 février, les quatre titres romands du groupe Tamedia reviennent en chœur, après trois semaines, sur l’affaire de la maîtresse licenciée dans l’établissement d’Oron-Palézieux. Ce même jour, Le Matin, 20Minutes, 24Heures et la Tribune de Genève relaient dans leurs colonnes et sur leurs sites respectifs la version de la maîtresse et de son avocat, alimentant ainsi de nouvelles salves de commentaires en ligne sur cette affaire qui ne laisse personne indifférent.
Pourquoi cette orchestration médiatique?
N.R., maman d’élève qui a lancé la pétition en ligne «Je veux garder ma maîtresse» nous explique que l’avocat de la maîtresse, Me Patrick Mangold a jugé que les titres précités de Tamedia avaient été trop loin dans la publication d’éléments concernant cette affaire et que la défense de la maîtresse se devait de réagir pour expliquer sa version des faits à l’opinion publique. Il est intéressant de noter que l’auteur de ces lignes n’a pas été invité à cet «entretien de recadrage» en raison de l’orientation jugée «impartiale et respectueuse des différentes parties-prenantes concernées» du précédent article paru dans nos colonnes traitant cette affaire (cf Courrier no 3, du jeudi 25 janvier).
La maîtresse plaide la maladresse
La maîtresse a expliqué aux journalistes de Tamedia avoir brièvement baissé le pantalon et le slip d’un enfant âgé de 4 ans devant ses camarades de classe, le 17 novembre 2017, sans l’avoir fait exprès. Elle a précisé les faits comme le mentionne 24Heures: «Lors d’un moment d’échange où les enfants sont assis sur un tapis, un petit garçon ne tient pas en place et joue avec des trous dans son pantalon. «Il n’écoutait rien, on l’a appelé plusieurs fois, mais il continuait. J’ai fait une plaisanterie sur son pantalon (je suis quelqu’un qui fait facilement des gags) je lui ai dit: «Si ce pantalon te gêne, on l’enlève!» Je l’ai fait venir vers moi et là, je reconnais que je n’ai pas eu un geste très professionnel: comme il sautillait continuellement, j’ai mis mes mains dans les poches arrière de son pantalon en lui disant: «Maintenant, tu arrêtes!» Il a répondu «D’accord maîtresse!» en faisant un petit saut. Cela a eu pour effet de descendre légèrement le pantalon et le slip et de faire apparaître le haut de ses fesses. Cela s’est passé en deux secondes! Tout de suite j’ai remonté le pantalon et me suis excusée. Les enfants ont ri, y compris le petit garçon et j’ai expliqué que ce n’était pas rigolo.» Selon les dires de l’enseignante, le petit s’en serait retourné aux activités coutumières sans manifester de gêne. La maîtresse rapporte l’incident à la grand-maman de l’enfant qui vient le chercher le jour même. Celle-ci accepte les excuses et l’affaire en reste là. Il faudra attendre deux semaines pour que trois familles, autres que celle concernée, portent l’affaire plus loin, via un courriel au décanat de l’établissement d’Oron-Palézieux. La réaction en chaîne remonte jusqu’à la DGEO, avec les conséquences que l’on sait.
La défense va saisir le tribunal des Prud’hommes
Avec son avocat, Me Patrick Mangold, expert en droit des fonctionnaires, la maîtresse a décidé de saisir le tribunal des Prud’hommes de l’administration vaudoise. Tous deux contestent son licenciement immédiat et estiment qu’il ne s’agit pas de justes motifs, contestant les faits, l’interprétation du geste et le non-respect de la procédure. Selon la défense, une lettre de griefs aurait dû être adressée à la maîtresse pour qu’elle dispose de tous les éléments reprochés et puisse se positionner. Or sa lettre de licenciement a été postée le lendemain de l’entretien. Selon l’avocat cité dans 24Heures «C’est une violation crasse du droit d’être entendu.» La défense se montre également révoltée contre l’enquête menée par la Direction générale de l’enseignement obligatoire (DGEO) qui aurait recueilli les témoignages de trois élèves de la classe (dont l’enfant concerné). Et la maîtresse de préciser dans les colonnes de 24Heures que les deux autres enfants entendus étaient filles des parents dénonciateurs et que l’une de ces deux élèves n’était pas présente le jour de l’incident.
Licenciement lié au climat difficile de l’établissement?
L’avocat estime dans les colonnes du quotidien vaudois que le fait que l’on n’ait pas donné à sa cliente connaissance des plaintes concrètes à son encontre et qu’on ne lui ait pas laissé le temps de se déterminer sur ces griefs «donne l’impression que la décision était déjà prise au moment où cette maîtresse a été convoquée pour l’entretien de service. J’ai l’impression que le combat mené est ailleurs » s’est-il confié. La maîtresse rattache son licenciement au climat difficile qui régnerait depuis plusieurs mois dans l’établissement d’Oron-Palézieux minés par des conflits avec des parents. Appelée à la rescousse pour tenter d’apaiser les tensions en cours, la DGEO était particulièrement attentive à la gestion de cet établissement (cf 24Heures du 18 janvier). Et la maîtresse de fournir une hypothèse: «J’ai l’impression qu’il fallait couper une tête à Oron et je leur ai donné cette possibilité avec ce geste malencontreux» imagine-t-elle. Celle qui était également doyenne de l’établissement estime avoir été utilisée afin d’atteindre son directeur qui serait également dans le collimateur des autorités scolaires vaudoises pour n’avoir pas réagi promptement à l’affaire du pantalon, selon les dires de la maîtresse toujours citée dans le journal 24Heures.
Plus de 400 signatures pour sa réhabilitation
La pétition de réhabilitation de la maîtresse lancée par plusieurs mamans d’élèves de sa classe a recueilli plus de 400 signatures à l’heure où nous rédigeons ce texte. Elle a été transmise à fin janvier à la conseillère d’Etat Cesla Amarelle avec 329 paraphes. Les pétitionnaires n’ont reçu aucune réponse à leurs doléances ni accusé de réception jusqu’à ce jour. La maîtresse souhaitant porter son cas devant la justice, le Département de la formation de la jeunesse et de la culture (DFJC) n’a pas souhaité commenter son témoignage. Ce sera donc à la justice de trancher.