Le bison
Luc Grandsimon | S’il est un animal qui est peu connu du public – et encore moins la tragédie qu’il a connue dans les années 1800 – c’est bien le bison américain. Il n’existe plus que deux espèces vivantes de bison, le bison d’Amérique du Nord (Bison bison) et le bison d’Europe (Bison bonasus). Le bison d’Amérique du Nord est divisé en deux espèces: le bison des plaines (Bison bison bison) et le bison des bois (Bison bison athabascae). «Nous avons le bison d’Europe au zoo de Servion. Son grand manteau d’hiver aux longs poils bruns et son pelage d’été plus clair sont parfaits pour nos latitudes. Nous avons un mâle et 4 femelles», explique le directeur du zoo de Servion, Roland Bulliard.
Un massacre ordonné
Il était dénombré entre 50 et 70 millions de bisons avant l’arrivée des Européens. La conquête de l’Ouest, la guerre contre les Indiens, le développement du chemin de fer ont fait descendre cette population, en 1870, à moins d’un millier ! Trois espèces de bisons ont complètement disparu.
Pourquoi un tel carnage ? Représentait-il une menace ?
Non, l’extermination de ce mammifère était d’un côté stratégique du point de vue militaire puisqu’il était la viande des Indiens. Ces bisons furent aussi victimes de l’industrialisation et la modernisation du territoire, sans compter un des “sports” du chemin de fer: on fournissait des fusils aux passagers des trains afin qu’ils se divertissent en tirant sur ces animaux depuis leurs fenêtres pendant que le train roulait.
Des dames ont créé une association et sont allées voir le président Roosevelt afin qu’il intervienne contre ces massacres. Grâce à cette action, le bison a pu être sauvé en Amérique, et il est estimé aujourd’hui à 500’000 le nombre de bisons en liberté en Amérique.
Actuellement, le bison des bois est la seule sous-espèce à être inscrite en annexe II dans le statut CITES.
Le bison d’Europe, lui, a été exterminé à l’état sauvage durant la Première Guerre mondiale. Seuls subsistaient les individus des zoos. Cette sauvegarde a permis ainsi une réintroduction de l’espèce en milieu sauvage après la Seconde Guerre mondiale. Sans zoos et parcs, il n’y en aurait probablement plus en Europe à l’heure actuelle.
Un champion de course
C’est le plus gros mammifère d’Amérique, mais ne vous fiez pas à ces allures lentes et tranquilles d’herbivore. Il est capable d’atteindre les 50 km/h de moyenne et de réaliser des pointes de 70 km/h.
Pas mal pour un animal pouvant atteindre une tonne ! Les femelles, elles, sont plus légères. Les cornes courtes que possèdent les bisons leur servent lors de combats afin de gravir les échelons hiérarchiques à l’intérieur du troupeau. Le mâle est polygame et règne sur un harem de femelles. Durant la période de reproduction, les mâles se livrent à des combats. Ceux-ci sont précédés par un “bain” d’urine. Les bisons mâles vont se rouler dans leurs urines puis gratter avec leur sabot la terre, afin de s’intimider. Ensuite vient la rencontre des cornes qui peut être fatale pour l’un des participants.
La femelle donnera naissance à un petit qu’elle allaitera pendant un an. «Ces animaux se reproduisent très bien en captivité. Chaque année, nous avons un à deux petits.»
Un animal symbolique
Cet herbivore est intimement lié à la culture amérindienne. «Les Lakotas se réfèrent à eux comme étant des pte («bison») winkte («deux-esprits»). Il est aussi le symbole du Manitoba, de la Police montée du Canada, de l’université Bucknell, de l’université du Colorado, de l’université Lipscomb, de l’université Marshall, de l’Etat du Wyoming, du Parti de l’indépendance du Minnesota et de l’université du Dakota du Nord. Bien que le nom de la ville n’ait aucun rapport avec le bison, il est aussi utilisé pour la ville de Buffalo dans l’Etat de New York.
Principales cibles du gouvernement durant la guerre contre les Indiens, les bisons possèdent aussi comme prédateurs le puma, le grizzli et le loup. Ils ont une espérance de vie de 20 ans.
L’élevage de bisons est très répandu en Amérique. Sa viande est considérée comme plus saine que la viande bovine à cause de son faible taux de matière grasse et de cholestérol. Cet herbivore paisible peut se révéler dangereux, comme la vache chez nous, et le nombre d’accidents qui ont lieu au parc du Yellowstone en Amérique le prouve. Il est considéré comme aussi dangereux qu’un ours. Il ne faut pas oublier qu’une tonne qui vous charge, quelque chose l’ayant effrayé, peut bien vous blesser.
«Nous avons des bisons au zoo depuis 1974, c’est-à-dire quasiment au début du zoo»
«Je m’en souviens très bien, car j’ai pu accompagner mon père et mon oncle pour aller les chercher. J’avais 16 ans et j’ai dû demander un jour de congé à l’école afin de pouvoir y aller. Nous avions pris un mâle et deux femelles. C’était en Allemagne, près de Fribourg-en-Brisgau. C’était un événement, car nous étions les premiers à proposer des bisons en Suisse romande.
Comme pour toutes les importations d’animaux, nous devions arriver à la douane de Bâle avant 17 heures afin que le vétérinaire de frontière puisse nous donner l’accord. Suite à une crevaison sur l’autoroute, nous sommes malheureusement arrivés alors que la douane était fermée. Il était vendredi et nous ne pouvions pas nous permettre de garder trois bisons éveillés dans des caisses de transport durant tout un week-end. Difficile de les faire juste sortir manger de l’herbe puis les rentrer dans leurs caisses. Heureusement, un douanier compréhensif nous a donné l’adresse privée du vétérinaire et nous sommes allés sur place. Lorsque le vétérinaire a demandé qu’on ouvre la caisse de transport pour observer les bisons, le mâle a donné une telle ruade contre la paroi que le vétérinaire a préféré nous dire que tout était OK et n’a pas insisté pour continuer son inspection.»