L’accord institutionnel ou l’art du déséquilibre
Lena Lio, Ancienne diplomate et ancienne députée, UDC | L’Italie, obligée de renoncer à certains projets, afin de satisfaire les règles budgétaires de l’Union européenne (UE). La France, dans le collimateur de Bruxelles en raison des mesures annoncées pour calmer les gilets jaunes. La Hongrie, passible de sanctions pour sa politique migratoire. L’Autriche, que la Cour de justice de l’UE condamne à renoncer à la réforme de sa loi sur l’aide aux réfugiés. Et le Royaume-Uni qui préfère récupérer sa souveraineté. De toute évidence, le château de cartes vacille. Et dans son combat pour le maintenir debout, la Commission européenne a décidé de faire de la Suisse son punching ball. L’accord institutionnel avec la Suisse est avant tout un message adressé aux Etats membres tentés de quitter l’Union: «Voyez ce qui vous attend si vous sortez!» Il est vrai que les termes de ce projet totalement déséquilibré ont de quoi faire peur. Par exemple, le chapitre 2 interdit à la Suisse ainsi qu’aux Etats membres de l’UE de subventionner un secteur économique. Des exceptions sont admises si elles concernent des projets importants pour l’UE. En revanche, les projets spécifiquement importants pour la Suisse n’autorisent aucune exception. Le chapitre 3 n’est pas avare non plus en distorsions du même genre. D’une façon générale, la Suisse doit respecter strictement les accords bilatéraux. Mais l’UE peut les remettre en question au gré des évolutions de sa législation. En cas de désaccord, c’est la Cour de justice de l’Union européenne qui tranche sans recours possible. L’UE est donc juge et partie. On pourrait multiplier les exemples du même genre, mais la taille de cette rubrique n’y suffirait pas. Contentons-nous donc de l’article 14 alinéa 3, qui vaut son pesant de cerises sur le gâteau empoisonné que l’on voudrait nous faire avaler d’urgence. Cet article 14 s’applique lorsque, sous l’effet d’une nouvelle loi de l’UE, un accord bilatéral avec la Suisse s’en trouve modifié d’une manière telle que cela implique un changement de notre Constitution. En pareil cas, il est dit que la Suisse dispose de deux ans au maximum pour «accomplir ses obligations constitutionnelles», ou d’un an supplémentaire en cas de référendum. Trois remarques s’imposent. Notons tout d’abord l’expression d’«obligations» constitutionnelles: la Suisse n’a pas le choix, elle doit changer sa Constitution. Deuxièmement, l’UE semble ignorer que toute modification de notre Constitution implique un référendum; le «cas de référendum» n’est donc pas un «cas», mais une règle générale. Quant à la troisième remarque, c’est plutôt une question: que se passe-t-il si le peuple suisse refuse cette modification constitutionnelle? Ne cherchez pas la réponse dans le texte: il n’y en a pas. Pour l’UE, consulter le peuple signifie obtenir son accord… et rien d’autre! En conclusion, laissons l’Europe se battre contre elle-même et oublions ce désaccord
institutionnel.