Travail
Georges Pop | La semaine dernière, l’Union suisse des arts et métiers, l’USAM, qui regroupe quelque 300’000 PME, a proposé d’assouplir la loi pour relever de 45 à 50 heures la durée hebdomadaire du travail. Les syndicats se sont étranglés d’indignation. Le syndicat UNIA, par exemple, n’a pas manqué de rappeler que la loi sur le travail était d’abord censée protéger les travailleurs. Les protéger de quoi? Mais évidemment d’un excès de travail, comparable à une forme… de torture! Le choix ici du mot torture n’est pas fortuit. Bien que cela soit contesté par certains linguistes, il est généralement admis que travailler nous vient de l’ancien français traveiller qui voulait dire faire souffrir; lui-même dérivé du latin populaire tripaliare qui signifiait torturer à l’aide de tripalium. Chez les Romains, le tripalium était un instrument d’immobilisation et de torture formé d’un palot vertical supportant deux pieux en X qui servait à attacher les esclaves rebelles pour les châtier. Il faut se souvenir que jadis, de l’Antiquité au Moyen-Âge et au-delà, les tâches les plus rudes, méprisées par les classes dirigeantes et les lettrés, étaient laissées aux esclaves, aux serfs et aux manants. Il est révélateur de noter qu’en grec, travail se dit δουλειά (douleía), apparenté à δοῦλος (doûlos) qui veut dire esclave. Même l’allemand n’y échappe pas: Arbeit (travail) dérive du vieux germanique arbaidiz qui signifiait labeur, mais aussi souffrance. Longtemps, le travail, essentiellement manuel et harassant, a été assimilé à un contraignant supplice. Aujourd’hui encore, lorsqu’on dit ça me travaille! on exprime une forme de tourment. Pour de nombreux auteurs, la Réforme a largement contribué à réhabiliter le travail, à commencer par celui des artisans. Pour Calvin, le travail plaît à Dieu et c’est dans le travail que l’homme défend sa dignité! Faut-il voir dès lors dans le rejet du protestantisme en France le fait que nos voisins tricolores semblent plutôt allergiques au travail, eux qui ne jurent depuis 2002 que par les 35 heures? C’est possible! Le fait est qu’en mars 2012 la presse hexagonale a suffoqué de stupeur en découvrant que les citoyens suisses avaient refusé en votation 6 semaines de vacances. Aberrant pour un Gaulois! En Suisse, où le travail est considéré comme une matière première essentielle à la prospérité, nombreux sont ceux qui s’épanouissent en bossant. Mais bon! De là à se taper impérativement 50 heures…