Jacqueline George, nonagénaire aux pinceaux magiques
Gil.Colliard | Dans sa maison de Praz-ni-cadi à Servion, Jacqueline George accueille ses visiteurs avec un beau sourire illuminant son visage plein de douceur où pétillent ses yeux ouverts sur le monde qui l’entoure, la nature, les arts, le sport. Comme les abeilles qui la passionnent depuis toujours, l’alerte nonagénaire a passé sa vie entière à travailler infatigablement.
Je suis passée de l’enfer au paradis
Et pourtant son enfance fut tout sauf un conte de fée. Née le 25 août 1924 à Peney-le-Jorat au sein de la famille Gilliéron, elle ne connut pas longtemps la chaleur d’un foyer. Après la séparation de ses parents, elle fut, comme ses quatre frères et sœurs, placée par l’institution de «l’Enfance abandonnée» dans une ferme à Essertes. De cette période de dur labeur, de brimades et de manque de toute tendresse, elle se souvient de son arrivée à pied depuis Mézières avec un petit char transportant ses maigres affaires, de l’unique visite de sa maman qu’elle n’avait pu qu’apercevoir étant recluse avec la rougeole, de celle de son papa venu lui apporter un sac d’école de garçon qui lui occasionna la risée de ses camarades et de ces vingt centimes qu’on lui refusa pour aller avec sa classe voir le théâtre, mais qu’elle vit quand même grâce à son maître. Après 11 ans d’enfer, souligne-t-elle, elle connut le paradis. Dès l’école finie, elle devint pupille de Robert Pasche et s’installa à la Croix-Blanche de Servion. Même s’il fallait travailler dur entre le domaine agricole et le restaurant, elle découvrait une vraie vie de famille et une table toujours bien garnie. Elle a vu naître tous les enfants, parmi lesquels Jean-Claude alias Barnabé qui lui avait donné le petit surnom de «Crani».
De la campagne à la ville
Le 13 mars 1948, elle unit sa destinée à Pierre George, qu’elle connaissait depuis toujours et que quelques fêtes de l’ex-Société de Jeunesse, dont elle fut membre fondatrice, avaient rapproché. Le jeune couple plein de bonne volonté et de courage essaya de vivre d’un petit bout de campagne mais en vain. Le 11 avril 1949 ils déménagèrent leurs rares possessions à Montreux où Pierre avait décroché un poste d’agent de police. Ils y vécurent 32 ans. En 1950 et 1951 Pierre-André et Daniel vinrent agrandir la famille. La jeune épouse, s’occupant de son ménage, de ses enfants, de son jardin et de ses ruches disposées le long des voies du MOB, fit aussi de la couture à domicile, du tricot, des heures de ménages. En 1971, après le décès de sa belle-mère, elle partagea son temps entre son foyer et Servion, où jusqu’en 1978 elle se consacra à son beau-père alité. Nathalie et David, les petits-enfants, vinrent à leur tour emplir le cœur des grands-parents.
Retour à Servion pour en-tamer une nouvelle activité
En 1980, l’heure de la retraite ayant sonné pour Pierre, ils vinrent s’installer dans la maison paternelle et entamèrent une nouvelle vie. Après avoir suivi une année de cours de peinture sur bois, Jacqueline se mit à l’ouvrage, entraînant dans son aventure son mari qui se mit à la pyrogravure et façonna les multiples objets qu’elle décorait avec goût et signait modestement «Line». Elle donna à son tour des cours à diverses sociétés de paysannes. Ils firent les marchés et furent rapidement appréciés loin à la ronde. Tableaux, chaises, pendules, assiettes et mille autres objets furent produits souvent en nombre pour les sociétés locales. Depuis 2007, à la suite d’un accident où l’alerte retraitée se fractura des vertèbres, le travail dû ralentir. Jacqueline, qui aime aussi le voyage, garde de beaux souvenirs de vacances qu’elle a pu s’offrir au Maroc, en Tunisie, à Majorque. C’est une passionnée de foot, et aussi une fan de Federer. «Tout lui réussit et le volume de travail qu’elle a abattu depuis 80 ans est impressionnant», dit avec tendresse et admiration celui qui partage sa vie depuis 66 ans.
Chère Madame George, toutes nos félicitations pour ce beau parcours. Nos vœux vous accompagnent à l’occasion de vos 90 ans.