Faut-il tuer la SSR ?
Le Courrier | Le Courrier n’a pas d’orientation politique. Notre journal se fait un devoir d’accueillir les opinions les plus diverses dans le respect de la pluralité et dans les limites de la courtoisie et du respect. Pourtant, au regard de ce qui se prépare, Le Courrier se voit contraint pour la première fois, en tant que média qui se veut conscient des enjeux, de sortir de sa coutumière réserve. La Suisse pourrait, le 4 mars prochain, consciemment ou non, saborder son service public audiovisuel. Ce serait un précédent dévastateur dans un pays dévoué au débat démocratique et une première dans un Etat de droit. Il ne faut pas s’y tromper: très habilement, les promoteurs de l’initiative «No Billag» feignent de ne s’attaquer qu’à la peu populaire redevance Radio-TV sous l’apparence d’une liberté de choix. En réalité, ils agissent pour l’abolition sans appel du service public. Pour tous ceux qui se sont penchés scrupuleusement sur le texte de l’initiative, le but de ses auteurs ne peut faire l’ombre d’un doute: en amputant à très court terme – dès le 1er janvier 2019 – la SSR et 60 chaînes privées régionales d’une ressource budgétaire vitale et en faisant croire qu’elles peuvent survivre grâce à la publicité et à d’hypothétiques abonnements, ils les condamnent délibérément à une brutale asphyxie; en proscrivant à jamais toute aide publique sous quelque forme que ce soit au secteur audiovisuel, ils étouffent tout espoir de survie, de résurrection ou de réforme ultérieure. Mais il y a pire: le texte prétend abroger plusieurs alinéas de l’article 93 de la Constitution fédérale qui stipulent que radio et télévision ont pour mission de contribuer à l’éducation et au développement culturel; à la libre formation de l’opinion et au divertissement; qu’elles doivent tenir compte des particularités du pays et des besoins des cantons; présenter fidèlement l’actualité et refléter équitablement la diversité des opinions. La résiliation de ces paragraphes reviendrait à spolier les citoyens d’un futur droit de regard, rompre la solidarité fédérale et livrer aux seuls grands groupes privés, suisses ou étrangers, l’exclusivité du domaine audiovisuel national, sous le seul impératif du profit. Il est plus qu’improbable que les régions périphériques et les minorités, notamment la Suisse romande, y trouvent leur compte. La fréquentation des réseaux sociaux est actuellement très riche en enseignements. Nombre de partisans de l’initiative s’y répandent en propos venimeux à l’endroit du service public, assigné en parasite dispendieux, oisif ou infructueux. Les auditeurs et téléspectateurs des chaînes romandes – dont nous sommes – y sont décrits comme des vieilles barbes séniles attachées à des séries crétinisantes. Des ragots souvent ponctués d’informations et des chiffres inexacts ou décontextualisés et fréquemment assaisonnés d’une orthographe et d’une syntaxe pour le moins fantaisistes qui annoncent un avenir radieux!
Le Courrier n’a jamais donné de consignes de vote et n’a pas l’intention de commencer aujourd’hui. Chacun votera selon sa conscience et son opinion. Mais Le Courrier souhaite joindre sa modeste voix à celle de l’écrasante majorité de nos élus et à celle de toutes celles et ceux qui appellent de leurs vœux un sursaut citoyen pour empêcher la consternante destruction de nos médias. Nous redoutons de devenir, dans notre propre pays, une minorité sans voix!
No Billag – Questions et Réponses
Billag dépend-elle de la SSR? Non!
Billag est une filiale de Swisscom. Elle est chargée, par la Confédération de percevoir la redevance Radio-TV. Son mandat arrive à échéance à la fin de 2018. Dès 2019, si l’initiative est refusée, c’est la société zurichoise Serafe SA qui la remplacera. Le montant de la redevance sera alors réduit à 365 francs par an et par ménage. Le DETEC, après consultation avec le surveillant des prix, réexaminera les tarifs de la redevance en 2020 puis tous les deux ans avec l’objectif de réaliser de nouvelles réductions des tarifs. Les personnes au bénéfice de prestations complémentaires de l’AVS/AI continueront à être dispensées de la redevance.
Pourquoi la redevance n’est pas perçue avec les impôts?
Si c’était le cas, le budget de la SSR et des Radio-TV régionales devrait être débattu chaque année au parlement. L’audiovisuel suisse serait alors soumis aux pressions et conditions des partis politiques représentés aux deux chambres, notamment sur ses contenus. Le mode de perception actuel garantit l’indépendance des médias de l’audiovisuel.
La redevance profite-elle aux minorités? Oui!
Actuellement, environ 73% de la redevance radio-tv est collectée en Suisse alémanique, 23% en Suisse romande et 4% au Tessin. En retour, les Alémaniques ne récupèrent que 43% du montant, le reste allant aux régions minoritaires. Sans cette clé de répartition, les régions minoritaires ne pourraient pas financer leurs programmes, dans leurs langues respectives. Vu sous cet angle, la redevance est bien un élément de la cohésion nationale.
Quelles sont les entreprises qui ne paieront pas la redevance?
Toutes celles dont le chiffre d’affaires ne dépasse pas 500’000 francs, soit 75% d’entre elles ne paieront rien! Celles dont le chiffre d’affaires est compris entre 500’000 et 1 million de francs devront s’acquitter de 375 francs par année, puis de 1000 francs jusqu’à cinq millions etc. Le barème sera sans doute renégocié ultérieurement à la baisse en cas de non.
Les collaborateurs de la SSR sont-ils exemptés de la redevance? Non!
Selon le Syndicat suisse des mass media, la SSR paie la redevance pour ses employés. Cette prise en charge constitue une part de leur salaire en nature, cela pour éviter des retards ou des rappels peu opportuns pour l’image de l’entreprise. Plus de la moitié des salariés travaillent à temps partiel et doivent d’ailleurs payer directement la part qui leur revient au prorata. Par ailleurs, les salariés de la SSR ne sont pas mieux payés que dans le privé. Au contraire, le salaire moyen de l’entreprise est inférieur de 3,7% à celui du privé.
La SSR fait-elle campagne contre No Billag? Non!
En tant que service public, la SSR n’a pas le droit de faire campagne, même si elle estime sa survie en jeu. L’argent de la redevance ne peut pas être utilisé à cette fin. Les collaborateurs de la SSR (ceux de la RTS en Suisse romande) n’ont pas le droit de prendre publiquement position au nom de la SSR, même s’ils peuvent s’exprimer à titre privé en tant que citoyens. Radio et TV publiques doivent également donner de façon équitable la parole aux partisans de l’initiative, tout dérapage pouvant être dénoncé à l’autorité indépendante de plainte. Les comités contre No Billag sont issus des milieux politiques et de la Société civile et sont distincts de la SSR. Les dirigeants de la SSR peuvent eux participer à des tables rondes ou des débats.
La SSR est-elle une Radio-TV d’état?
Non dans la mesure où elle n’appartient pas à l’état et que ses collaborateurs ne sont pas des fonctionnaires de la Confédération. L’entreprise SSR est indépendante mais soumise à une concession fédérale et aux règles et contraintes qui en découlent. La SSR est aussi une association qui comprend quelque 24’000 membres. N’importe quel Suisse peut devenir membre d’une des Sociétés cantonales de radio et de télévision (SRT) pour participer et donner son avis sur les programmes et leurs contenus.